MONSIEUR DUDRON
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« Dans la réalité les objets, les fruits, les feuilles, etc., sont immobiles, mais ils pourraient être bougés par la main de l’homme ou par le vent. Les natures mortes représentent les choses qui ne sont pas vivantes, dans le sens du bruit et du mouvement, mais qui sont liées à la vie des hommes, des animaux et des plantes. Ces choses sont posées sur la terre, sur cette terre qui respire intensément la vie qui est pleine de bruit et de mouvement. Sur notre planète tout est entouré d’air. Sans l’air tout serait mort. L’air enveloppe notre terre et pénètre dans les objets mous, dans les étoffes de soie ou de velours, dans un coussin de plumes, ou dans un fruit très mûr.
« Quand on observe ces objets qui offrent à l’air si peu de résistance, ces corps tendres, agréables à toucher, on dirait que l’air les embrasse plus étroitement que les autres choses et se fond avec eux. Il faut que dans une peinture soit visible cette pénétrante étreinte de l’air qui, dans la réalité, caractérise les corps tendres. Les corps durs, qui ont une surface forte et des contours marqués, donnent l’impression de repousser l’air qui semble se retirer et s’éloigner de ces contours et de ces surfaces impénétrables. La couche d’air est alors comme coupée, comme repoussée des contours rigides et n’offre plus à nos regards le repos caressant que nous donne son adoucissante présence.
« Il faut pouvoir peindre ce jeu de l’air qui définit et précise la substance des objets et qui nous montre leur dureté ou leur tendresse. La substance des choses compte plus que leur couleur. C’est la substance qui détermine la forme, tandis que la plasticité est intensifiée par la couche d’air qui enveloppe les choses. C’est l’air qui nous fait deviner et voir avec notre cerveau le côté pour nous invisible des objets. L’air fait émerger les choses, adoucit leurs contours et, en même temps, intensifie leur forme. L’air est partout, il faut aussi qu’il soit peint sur la toile.
« Peindre l’air est très difficile; peindre l’air signifie donner une telle plasticité, un tel volume, une telle force de la forme aux choses que, entre un objet et l’autre, on sente circuler l’air et que les objets apparaissent comme suspendus, immobiles mais vivants, dans l’air qui se déplace, qui bouge, tandis que les choses paraissent arrêtées, immobilisées, comme par un effet de magie.
« Dans un tableau tout dépend de la matière avec laquelle il est peint. La plasticité des formes est déterminée tant par la matière physique que par la matière métaphysique qui sont propres au tableau. La matière physique est le corps palpable de la peinture et la matière métaphysique est le talent qui a su créer ce corps.
« La belle matière employée savamment nous permet de voir ou, plutôt, de sentir l’air et les effets de son jeu. Un peintre de talent, en peignant une nature morte, peint vraiment la vie silencieuse des choses créées par la nature, ou faites par les hommes. La nature et la réalité n’ont pas de problèmes esthétiques ni de préoccupations artistiques. C’est le devoir de l’artiste de donner la beauté aux choses qu’il voit et qu’il interprète. Une cruche peut être très modeste et insignifiante au point de ne pas être remarquée quand elle se trouve sur la table d’un paysan et elle peut devenir un objet plein de noblesse et de charme dans une belle peinture.
« Le mot composé “nature morte” a commencé à être employé au siècle dernier. Ce mot composé a été une vraie prophétie et il a trouvé dans la peinture de notre temps sa pleine réalisation. Les tableaux modernes dans lesquels on voit représentés des fruits et des objets sans forme ni volume sont, en effet, des tableaux de natures mortes, vu que les choses qui y sont représentées, plates, inexistantes et sans air, sont vraiment mortes.
« Devant une belle nature morte on entend souvent des personnes simples, des gens sans prétention intellectuelle, s’exclamer: “Oh, comme sont vraies ces pommes et ces oranges, on dirait qu’on peut les toucher! Regarde ce raisin, on a envie de le prendre et de le manger !” Ces exclamations enthousiastes et naïves, ces paroles pleines de sincérité, sont un avertissement pour ces intellectuels que la boue du snobisme n’a pas encore submergés, pour ces intellectuels chez lesquels le snobisme pourrait, non seulement atrophier, mais même supprimer complètement tout sentiment humain de joie et de plaisir. Et je dirai que cela n’a aucune espèce d’importance si les mêmes hommes simples, sincères et enthousiastes, peuvent dire les mêmes paroles devant des tableaux d’une valeur artistique discutable ; cela n’a aucune importance, car ce qui compte est la joie sincère qu’éprouve un homme devant une peinture. Pourtant la joie provoquée par une véritable œuvre d’art dans l’âme d’un homme simple est plus forte et profonde si elle est provoquée seulement par une image qui lui plaît. La joie éprouvée devant un tableau fait naître l’espoir qu’un jour viendra où cette joie sera justifiée par la beauté de la peinture, qui aura pu de nouveau renaître sur la terre.
« Changeons le nom de nature morte qui a été donné dans un moment d’inspiration prophétique aux tableaux représentant des choses et des objets. Appelons ces tableaux vies silencieuses. Peut-être ce nouveau nom aidera-t-il à abolir la sinistre prophétie qui aujourd’hui s’est tellement vérifiée. »
Monsieur Dudron ferma le volume. « Allons nous coucher, dit-il à son collègue. Je vous offre mon lit; moi je m’étendrai sur le divan de mon atelier. Nous avons parlé de bien des choses, de bien des choses dont aujourd’hui les hommes se sont habitués à parler à tort et à travers. »
Monsieur Dudron souhaita une bonne nuit à son ami ; puis se déshabilla, se coucha et, fatigué de sa journée tellement pleine de grandes et belles aventures intellectuelles, il ne tarda pas à s’endormir.
L’auteur de ces pages ira aussi se coucher, gracieux lecteur ou gracieuse lectrice. Il est aussi fatigué et il est tard, presque une heure après minuit. Il ira se coucher et dormira au moins jusqu’à midi ; il a toujours besoin de dormir beaucoup et cela, du reste, est tout à fait normal, car, comme avait l’habitude de dire Arthur Schopenhauer, un long sommeil est indispensable aux hommes de génie.
Nella realtà gli oggetti, i frutti, le foglie ecc. sono immobili ma potrebbero essere mossi dalla mano dell’uomo o dal vento. Le nature morte rappresentano cose che non sono vive, dal punto di vista del rumore e del movimento, ma che sono legate alla vita degli uomini, degli animali e delle piante. Questi oggetti sono posati sulla terra, su questa terra che respira intensamente la vita piena di rumore e di movimento.
Sul nostro pianeta tutto è circondato d’aria. Senza l’aria tutto sarebbe morto. L’aria avviluppa la nostra terra e penetra nelle cose molli, nelle stoffe di seta o di velluto, in un piumino o in un frutto molto maturo.
Quando si osservano questi oggetti che oppongono così poca resistenza all’aria, queste cose tenere, piacevoli da toccarsi, si direbbe che l’aria le cinge più strettamente che non altri oggetti e si fonde con esse. In una pittura bisogna che sia visibile questa penetrante stretta dell’aria che caratterizza nella realtà le cose tenere. I corpi duri che hanno una superficie forte e contorni marcati danno l’impressione di respingere l’aria che sembra si ritiri e si allontani da quelle forme e superfici impenetrabili. Lo strato d’aria è come tagliato, come respinto dai contorni rigidi e non offre più ai nostri sguardi il riposo carezzevole che la sua lenitiva presenza dona.
Bisogna poter dipingere questo gioco dell’aria che definisce e precisa la sostanza degli oggetti e che ci mostra la loro durezza o tenerezza. La sostanza delle cose conta più del loro colore. È la sostanza che determina la forma mentre la plasticità è intensificata dallo strato d’aria che avviluppa le cose. È l’aria che ci fa intuire e vedere con la nostra mente l’aspetto per noi invisibile degli oggetti. L’aria fa emergere le cose, addolcisce i loro contorni e, nello stesso tempo, intensifica la loro forma. L’aria è dappertutto, e bisogna che sia anche dipinta sulla tela.
Dipingere l’aria è molto difficile; dipingere l’aria significa dare una plasticità tale, un tale volume, una tale forza di forma alle cose che tra un oggetto e l’altro si possa sentire come circola l’aria e che gli oggetti appariscano come sospesi, immobili, ma vivi nell’aria che si sposta, e si muove mentre le cose sembrano come fermate ed immobilizzate dall’effetto di una magia.
In un quadro tutto dipende dalla materia con la quale esso è dipinto. La plasticità delle forme è determinata tanto dalla materia fisica quanto dalla materia metafisica che sono proprie al quadro. La materia fisica è il corpo palpabile della pittura e la materia metafisica è il talento che ha saputo creare quel corpo.
La bella materia impiegata con saggezza ci permette di vedere, o meglio, di sentire l’aria e gli effetti del suo gioco. Un pittore di talento, quando dipinge una natura morta, dipinge veramente la vita silenziosa delle cose create dalla natura o fatte dagli uomini. La natura e la realtà non hanno né problemi estetici né preoccupazioni artistiche. È dovere dell’artista dare la bellezza alle cose che egli vede e che egli interpreta. Una brocca può essere molto modesta ed insignificante, tanto da non essere neppur notata quando si trova sul tavolo di un contadino, ma essa può diventare un oggetto pieno di nobiltà e fascino in una bella pittura .
La parola composta: natura-morta è entrata nell’uso durante il secolo scorso. Questa parola composta è stata una vera profezia ed ha trovato nella pittura del nostro tempo la sua piena realizzazione. I quadri moderni sui quali si vedono rappresentati frutti ed oggetti senza né forma né volume, sono davvero quadri di nature-morte dato che le cose ivi rappresentate, piatte, inesistenti e senza aria, sono veramente morte.
Davanti ad una bella natura morta persone semplici, senza pretese intellettuali, esclamano spesso: “Come sono vere quelle mele e quelle arance, si direbbe che si possano toccare! Guarda quel grappolo d’uva, viene voglia di prenderlo e mangiarlo!”. Queste esclamazioni entusiastiche ed ingenue, queste parole piene di sincerità sono un avvertimento per quegli intellettuali che non sono ancora sommersi nel fango dello snobismo, per quegli intellettuali ai quali lo snobismo potrebbe non solo atrofizzare ma perfino sopprimere completamente ogni sentimento umano di gioia e piacere. Ed io dirò che non ha alcuna importanza se questi stessi uomini semplici, sinceri ed entusiasti potranno dire le stesse parole davanti ad un quadro di discutibile valore artistico; questo non ha alcuna importanza perché quello che conta è la gioia sincera che un uomo prova davanti ad una pittura. Tuttavia la gioia generata da una vera opera d’arte nell’anima di un uomo semplice è più forte e profonda di quella provocata da un’immagine che solamente gli piace. La gioia provata davanti ad un quadro fa nascere la speranza che verrà un giorno in cui questa gioia sarà giustificata dalla bellezza della pittura rinata nuovamente sulla terra.
Cambiamo il nome di natura-morta che è stato dato in un momento d’ispirazione profetica ai quadri rappresentanti cose ed oggetti. Chiamiamo questi quadri: vite silenziose. Forse questo nuovo nome potrà essere di aiuto per abolire la sinistra profezia che oggi si è così pienamente avverata … ».
Il Signor Dudron chiuse il libro. «Andiamo a dormire, – disse al suo collega. – Le offro il mio letto; io mi stenderò sul divano del mio studio. Abbiamo parlato di moltissime cose, di tante cose di cui gli uomini oggi si sono abituati a parlare per diritto e per rovescio».
Il Signor Dudron augurò la buona notte al suo amico; poi egli si spogliò, si coricò, e stanco dopo una giornata tanto piena di grandi e belle avventure intellettuali, non tardò a prendere sonno.
Anche l’autore di queste pagine andrà a dormire, gentile lettore o graziosa lettrice. Egli pure è stanco, ed è tardi, quasi l’una di notte. Andrà a coricarsi e dormirà almeno fino a mezzogiorno; egli ha sempre bisogno di dormire molto, e questo del resto è del tutto normale, perché, come usava dire Arthur Schopenhauer, un lungo sonno è indispensabile agli uomini di genio.
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